Quatre mois de prison et un baiser pour le voleur

Publié le 13 mars 2019

Un trentenaire est présenté en comparution immédiate pour un vol avec violence à Paris. La plaidoirie de son avocate peine à convaincre le tribunal.

Le nouveau Tribunal de Paris est le théâtre des comparutions immédiates.
Le nouveau Tribunal de Paris est le théâtre des comparutions immédiates.
© Clément Gruin

Le jeune homme qui se présente dans le box des prévenus ce mardi 12 mars est serein. Jérémy Y. a 30 ans, il semble en avoir dix de moins. Il échange quelques signes avec sa petite amie, venue s’asseoir dans le public. Avec sa marinière et sa voix calme et posée, sa présence devant la juge pourrait ressembler à une erreur de parcours. « Vous avez 33 condamnations à votre casier, la première en 2006 », rappelle la présidente Françoise Quiles. Condamné pour violence, vol, dégradation ou encore outrage, il purge actuellement une peine de six mois à la prison de Fleury-Mérogis.

Il comparait devant la 23e chambre du Tribunal de Paris pour un vol avec violence, commis le mois dernier au Forum des Halles à Paris. « Vous avez franchi le portique sans vous acquitter d’un pull et d’une parka », énonce la présidente. En passant par-dessus le portique, il est sorti du magasin avec 203€ de vêtements, avant d’être rattrapé par un agent de sécurité des Halles. « Vous avait giflé et craché sur l’agent dans le PC sécurité, ce qui l’a obligé à faire appel à la police. En arrivant, les policiers ont constaté que vous étiez virulent. » D’une voix assurée, le jeune homme admet le vol, mais conteste les actes de violence. « L’agent m’a amené dans la réserve du magasin, raconte-t-il au tribunal. J’ai expliqué que je n’avais pas de pièce d’identité. L’agent m’a tapé sur la tête en me disant « Maintenant, il faut payer. » »

« Il faut le comprendre, plaide son conseil, Me Margot Boittiaux. Il est mis au sol par trois personnes, il est retenu face contre terre dans la réserve pendant 45 minutes ! Déjà quand c’est par la police, c’est dur de ne pas résister, mais quand c’est de simples agents de sécurité… »

La présidente énonce les insultes rapportées par le plaignant dans la procédure. « Tu dois être sénégalais. Ça se voit, tu es vendeur de crack. » Vous niez aussi l’avoir insulté ? – Je suis pas raciste. J’étais encore au Sénégal et en Centrafrique cet été. »

« Quelle coïncidence !, relève son avocate, qui souligne l’absence du plaignant. Jérémy parle extrêmement bien le wolof. S’il avait voulu l’insulter comme le prétend le plaignant, il l’aurait fait en wolof ! »

Me Margot Boittiaux résume les efforts entrepris par Jérémy Y. depuis un an pour mettre un terme à son addiction à l’héroïne. « En prison, il va voir le médecin tous les matins pour suivre son traitement de méthadone, pour ne pas replonger. Il a interrompu sa consommation six mois avant les faits, mais il a remplacé cette addiction par l’alcool. » Jérémy Y. avait consommé deux bouteilles de porto avant de se rendre aux Halles. « C’était pour se donner le courage de voler, explique Me Boittiaux. Car quand vous vivez dans la rue, c’est votre seul recours. Il n’y a absolument pas de volonté de nuire à autrui. »

Le tribunal a condamné Jérémy Y. à quatre mois de prison ferme, avec maintien en détention. Le jugement n’efface pas le sourire qu’il adresse à sa copine dans la salle. Il parviendra même à lui voler un baiser depuis le box.